Intervenant sur le projet de Moka Smart City avec une démarche transversale – à la fois sociale et spatiale – l’architecte-urbaniste Gabrielle Brun aide ENL à organiser et gérer de manière cohérente les espaces, pour une relation harmonieuse entre l’humain et la nature.

Gabrielle, quel a été votre parcours en tant qu’urbaniste ?

Je suis architecte et urbaniste depuis presque 20 ans. J’ai d’abord travaillé une dizaine d’années en France, dans le secteur parapublic en tant que chargée d’études dans un grand atelier d’urbanisme qui intervenait comme consultant auprès des villes, puis de chef de l’habitat dans une collectivité territoriale. Dans ce cadre, j’ai collaboré sur des projets de grande envergure, comme celui de Grand Paris, entre autres. Je suis arrivée à Maurice en 2008 pour des raisons personnelles. J’ai d’abord été COO chez un aménageur privé, avant d’ouvrir ma propre agence en 2012 : L’Atelier Gabrielle Brun, agence d’architecture et d’urbanisme.

En quoi consiste votre métier d’urbaniste ?

Tout d’abord, il faut savoir que l’urbanisme est une spécialité à part entière. Il existe des urbanistes qui ne sont pas architectes et des architectes qui ne sont pas urbanistes. Le métier est très pluridisciplinaire et fait appel à beaucoup de compétences. L’urbanisme est une discipline à la croisée de la géographie, de l’architecture, de l’économie, de la technique, de la sociologie et des sciences politiques. J’exerce un métier-passion ! J’interviens auprès des décideurs pour les aider à concevoir ce que pourrait être la ville de demain. C’est à la fois une position assez valorisante, car vous avez la possibilité d’améliorer le cadre de vie des gens, et très énergivore, voire frustrante, lorsque vous mesurez les efforts nécessaires pour que ce dessein se réalise.

Dans le cadre de Moka Smart City, mon rôle consiste à assister ENL dans la bonne mise en œuvre de la construction, afin d’en assurer la conformité aux réglementations et la gestion des risques. Il peut m’arriver aussi de prendre en charge la planification globale des activités : de l’opérationnel aux choix des matériaux avec les ingénieurs etc. Il faut rassembler toutes les parties prenantes et ce n’est pas de tout repos ! C’est un véritable rôle de chef d’orchestre.

Quelle est la place du citoyen dans cette ville de demain ?

Le cœur de la stratégie de Moka Smart City c’est de mettre en avant le citoyen, en commençant par l’inclusion de ce dernier dans une politique participative. La Smart City c’est une approche combinant gestion éclairée des ressources naturelles et gouvernance participative pour mieux faire face aux besoins des citoyens, des entreprises et des institutions. Pour justifier cette appellation, le respect de l’humain et de l’environnement doit guider le modèle de développement. C’est en tout cas ce que tente de faire ENL. Au-delà de l’aspect technologique, l’importance des paramètres culturels et sociaux dans la mise en œuvre d’une smart city implique que les volontés locales soient placées au centre des préoccupations de la ville. Le but c’est que la vie de chaque citoyen soit améliorée.

 

En quoi l’urbanisme planifié aide au mieux vivre ensemble ?

À Maurice, force est de constater que la planification urbaine a été tardive. Si l’on veut apporter des services cohérents, il faut une masse critique et bien penser les logements. Dans l’île, les gens sont peu mobiles. Il y a encore beaucoup de personnes qui, à titre d’exemple, habitent dans le Sud et vont travailler dans le Nord, ou dans la capitale. La planification urbaine doit prendre en compte ce point primordial pour rapprocher au mieux les gens des services, de leur travail, des écoles, des réseaux de transport etc.

Quelles sont les principales barrières auxquelles vous faites face dans une réflexion d’urbanisme durable ?

La notion de durabilité renvoie à l’impératif de concilier le bien-être, l’équité, la cohésion sociale et le développement économique, avec le respect du cadre naturel. Il faut pour cela développer des constructions performantes et écologiques, répondre aux besoins de déplacements, gérer les déchets, les eaux de pluie et le bruit, donner de la qualité aux espaces publics et privés, penser à la proximité des services, etc. C’est aussi sensibiliser les habitants dans les choix urbains. Il nous faut donc penser autrement et avoir une vision de plus long terme. D’autre part, l’une des grandes différences en ce qui concerne Moka Smart City est que contrairement en Europe ou en France, c’est un développement issu du secteur privé et financé par des fonds privés. Cela oblige donc à travailler en phase, tout en ayant en tête des besoins de rentabilité. Par chance, ENL a une vision à long terme et souhaite créer de la valeur durablement.

Comment se présente Moka Smart City à ce niveau ?

Cette Smart City encourage ses citoyens, ses entreprises, ses administrations à imaginer de nouveaux modes d’organisation, de partage, de communication, de production, pour développer le dynamisme urbain. À Moka, il existe déjà un vrai mélange de population avec un esprit philanthrope, qui souhaite ouvrir le projet au plus grand nombre. Enfin, dans les infrastructures le projet valorise aussi plusieurs moyens verts comme la piste cyclable, une grande promenade de 4 km et des facilités pour les piétons. Moka Smart City est donc plutôt bien parti. Je dirais même que c’est le meilleur élève à Maurice en la matière !